Ca a été mon concert de cet été 1980 en Jamaïque, et c'était peut-être LE concert de l' été en Jamaïque. De quoi moins me faire regretter beaucoup d'être arrivé juste après le Sunsplash. Surtout que Mr Cool devait chanter au Sunsplash et qu'il avait déclaré forfait, trouvant sans doute que Kingston n'était pas assez cool pour lui en cette période électorale. Je dois vous dire tout de suite que Gregory était déjà depuis longtemps mon chanteur préféré avant que je ne mette les pieds en Jamaïque. J'avais ses meilleurs disques,en albums, singles ou Disco 45 sur les dizaines de labels pour lesquels il a enregistré. Et n'oubliez pas, kiddies, que Mr. Cool n'a jamais enregistré de mauvaise chanson. Des très bonnes et des bonnes, c'est tout. Et il ne fait pas partie de la nouvelle vague, ... il fait partie de la vague éternelle jamaïcaine. Il est celui qu'on écoute tout le temps là-bas, ses anciens disques comme ses derniers. Dans , les boîtes où je suis allé, c'est le seul dont on passait des séries de disques : parfois une dizaine de ses succès à la suite (et on peut en trouver encore plein). Les Jamaïcains adorent Bob Marley: c'est leur porte-parole international, leur héros national comme Marcus Garvey. Mais leur chanteur préféré, c'est Gregory Isaacs, le Cool Ruler. Son répertoire se partage entre chansons d'inspiration Rasta ("The Border", "Mr Know-it-all", "Poor and Clean") et chansons d'amour ("My number one", "Tune in" , "Soon Forward"). Et sa voix ! Il pourrait réciter l'annuaire du téléphone, il le ferait génialement. Et ce soir, c'était LUI qui chantait à Négril, dans un concert en pein air organisé sur le terrain de Bigga pour l'anniversaire de celui-ci. Le concert, comme beaucoup en Jamaïque, commençait tard : début vers 22 h., passage de la vedette vers 1 h. du matin. Le genre d'horaire qui me convient, pas vous? Je dois dire que ce concert m'est resté comme un des meilleurs souvenirs de mon séjour en Jamaïque, c'était carrément magique et j'avais les larmes aux yeux. D'abord l'endroit : un terrain ni trop grand ni trop petit qui appartient à Bigga, énorme Rasta qui pourrait prendre la succession de Jacob Miller. Avec une maison toute en longueur où dans la journée on peut trouver de l'artisanat Rasta (Ethiopian Craft Center) et où le soir on peut boire une bière, et jouer aux dominos en écoutant du Roots Reggae qui sort très fort d'une pièce où les murs sont des haut-parleurs ! Quand vous vous mettez au milieu, ça fait de l'effet, je vous le jure ! Gare à votre verre ! Ce soir, l'endroit est aménagé pour le concert. Très bonne organisation, et la confiance règne avec les musiciens car l'organisateur est un Rasta. Le public : je pense aux petits carreaux du Ska, pas parce qu'il y a des Pork-Pie hats, mais parce que ce soir c'est noir et blanc mélangé et c'est un bel exemple d'harmonie raciale qui contribue beaucoup au succès de cette soirée. Beaucoup de Rastas sont venus de Kingston (à 150 km de là) : pas mal de ces Rastas sont avec des filles blanches. Je suis venu avec Dillian. On a fait du stop pour venir de la ville et on a été pris par 2 Rastas très cools avec des spliffs de sensi et une cassette live d'un D.J complètement délirant dans une marée d'échos. Excellente introduction ! Maintenant, le concert lui-même: l'orchestre qui débute le show, les Studs. Ils accompagneront tout le monde, sauf Gregory. Ils sont sympa, ils assurent, ils ne sont pas dreadlocks, ils sont habillés en rouge (assez genre pro) et ils ont un guitariste chinois. Première chanteuse : j'ai oublié son nom, une minette à lunettes bien gentille mais qui ne reste que pour deux chansons soul/reggae. Ensuite, une sorte d'acrobate indien rasta avec de très longues dreadlocks, l'homme en caoutchouc, the Rubber man. Puis une danseuse de Rumba, danse qui se veut sexy et qui est parfois un peu vulgaire. Premier chanteur: Cho Cho Andy, ou le Madoo de Montego Bay. Madoo a vraiment la cote, pour avoir déjà des imitateurs.Cho Cho Andy en est un assez bon: même look (jeune mec assez fin sans dreadlocks), même voix androgyne inspirée de Horace Andy, même répertoire avec les deux gros succès de Madoo, "Joe Grine", et "Hotel Fee", chef d'oeuvre du Reggae " slackness ". Puis c'est avec un des D.J. les plus connus du moment que le spectacle continue : Papa Richie (avant, les D.J. s'appelaient Prince, Jah ou Ranking, maintenant, c'est souvent General ou Papa)
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