LA SAGA DU TREPONEME BLEU PALE

par Léon COBRA

 

Redescendre la rue Mouffetard trente ans après, silencieux.

Lézardes. Jeux d’ombres.

Ma silhouette se découpe voûtée, ridée dans les miroirs-kaleïdoscopes.

Illusions perdues. Crachin.

Un gyrophare éclabousse l’asphalte bleuté. Une sirène de police mugit, stridente.

Les couleurs étaient différentes. Plus vives. La luminosité surtout… ça ne puait pas ainsi.

La couche de crasse qui plombe Paris devait encore permettre le passage d’une brise légère ; juste un ultime souffle de vent capiteux au parfum d’herbe folle qui dansait dans nos cerveaux.

Il était une fois… jadis.

 

 

 

( Les lieux typographiés en rouge ont aujourd’hui disparu. )

 

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Barbe broussaille blonde, barrette catogan, poncho bolivien, Umberto Pato, semblait tout droit descendu du Machu-Pichu après un trip sur le Sentier de l’Inca. Cheveux décolorés au henné, costume de velours lisse, chemise à jabot en satin fuchsia, Ric braillait :

On aime le twist

Et on le proclame

On est pas des tristes

Au Bonheur des Dames.. !

Il tourna sur lui même et se retrouva devant l’entrée du café tabac les Quatre Sergents qui faisait face au lycée Henri IV. Il écumait et bégayait spasmodique parmi les khâgneux en goguette.

- SY-PHI-LI-TIK-KO-MAN-DO…. lisez, diffusez, fumez, mâchez, dégustez  le Tréponème ! En infusion, en ragoût, en vaudou, en pilule ,en shoot, en décharge, voyagez  bleu  pale  !!!

Les badauds souriaient, Pato roulait sa clope de Samson sur une pile de Tréponèmes posés sur l’une des tables de la terrasse. Octobre 1974… 22 h  06 et quelques secondes émeraudes…

-        Deux numéros : 5 francs ! Ce soir, on solde ! rajouta-t-il, sobrement.

 

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De la Place de la Contre Escarpe à la Place d’Italie, de la montagne Sainte Geneviève à la Butte aux Cailles, s’étendait le territoire du Tréponème Bleu Pâle, notre domaine réservé, notre fief. Certains avaient leur groupe de rock, leur répertoire et leurs groupies;  nous on avait notre canard, notre titre.

L’aventure avait réellement débuté à l’automne 1973. On s’y était mis avec Aspic ; à lui les illustrations, à moi les poèmes, deux agrafes au coté gauche et roulent les stencils ! Trente exemplaires de Syphilis, distribués gratuitement Rue Mouffetard à la gueule du client, le grand frisson, déjà on était accro ! Début 74, on passait aux choses sérieuses avec le numéro 1 du Tréponème Bleu Pâle, le chancre très noir de la Syphilisation , imprimé à 1000 exemplaires en offset dans une imprimerie du Marais, la S.P.M. où étaient également réalisés Apiniou et Le Canaille. Trois pseudos, Léon Cobra pour les textes, Henri Aspic pour les illustrations et Le Blafard Docteur Charles  pour les photos.

 

 

 

  

J’avais rencontré Charles en Juillet 1970 à la poste restante de Kaboul. On cherchait des sacs de jute, grands et résistants pour envoyer nos manteaux brodés et nos tuniques afghanes à  Paris avant de poursuivre vers Khyber Pass, le Pakistan et New Delhi. Avec Joëy F, ma compagne du début des Seventies, on était proche de l’engueulade quand le Blafard a surgi avec la solution miracle au problème. Charles était un ordinateur ambulant. Ses carnets de route contenaient une mine d’informations : horaires des trains, taux de change au marché noir, prix comparé du chicken curry de Lahore à Puri… On a voyagé ensemble jusqu’à Ceylan puis on s’est revu ensuite à Paris car il habitait derrière la Mouffe. Coïncidence, il était, lui aussi, un ancien élève du lycée Rodin, génération précédente, époque Haricots Rouges, jazz band  ball et vieux tacots. Docteur ès spirochètes, le faux toubib combinait une fatale ressemblance avec Charles Manson et Marcel Dadi.

Aspic, ancien étudiant aux Beaux Arts de Toulon, avait quitté le midi suite aux décès par overdose de plusieurs jeunes au cours de l’été 1969 à Bandol pour gagner la capitale, son anonymat et sa relative tolérance. Il fabriquait également de l’artisanat en cuir, ceinturons, broches, bracelets, poignets. Chaque exemplaire peint à la main était unique. Au rapido comme à la plume ou au poinçon, il produisait peu mais quel classe !

 

   

La route de Katmandou était bloquée à cause de la mousson ; éboulements, glissements de terrain… On a changé nos plans : cap plein sud ! Charles a photographié ce couple de mendiants en juillet 1970 à Rameswaram dans l’extrême sud de l’Inde où l’on attendait le bateau pour se rendre à Ceylan ( Sri Lanka). J’ai collé la pub pour Poulidor et composé le texte de la bulle. Aspic a fait hara kiri au bulletin d’abonnement en le remplaçant par une citation de l’anarchiste ukrainien Makno…

 

 

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Accoudé au comptoir du Volcan, veste de velours noir, col charpentier, jean pat d’ef et tunique marocaine blanche, je dégustais mon ouzo. Les trois salles du restaurant étaient bondées ; un endroit idéal pour diffuser nos productions à une clientèle plutôt sympathisante.

- Un autre ? fit Achille, le fils du patron qui tenait le bar ce soir là.

Seul un père grec peut prénommer son fils Achille, Aristote ou Périclès ; en tout cas, Achille était une légende chez les freaks de la Mouffe. Il avait traversé l’Afghanistan en 1970 et gagné Mazar-i-Sharif à l’extrême nord du pays aux portes de l’Ouzbékistan. Là, affabulation ou réalité, qu’importe, il avait acheté un cheval et s’était baladé dans toute la région avant l’arrivée des grands froids.

OK… Aspic opina du bonnet en sortant son paquet de Caporal gris et une longue feuille de Patriotic. Veste en jean, pantalon de velours noir étroit, boots et tee-shirt anthracite, il affichait un look et une attitude totalement opposés à la mienne. Le Yin et le Yang de la Free’p ; quand l’un était taciturne, l’autre vociférait, quand l’un souriait, l’autre crachait son venin… Les soirées de diffusion l’emmerdait alors que moi, j’adorais ça. Le maillon faible, c’était la distribution d’où l’obligation d’une diffusion sauvage sous le manteau. Il y avait peu de concurrence dans la rue à la criée ; l’incontournable André Dupont dit Aguigui Mouna, son téléphone rouge, son balai à chiotte et son Mouna Frères et puis Ali, le Pakistanais, avec son caddy qui vendait Charlie Hebdo et Le Monde. On tirait pas dans la même catégorie, nous on était des Killers… Reptile Attitude Totale… RAT= ART, ce n’est qu’une question d’ordre dans le lettrage… Le réseau de librairies parallèles sur Paris ne couvrait guère qu’une dizaine d’endroits et les ventes dans chaque emplacement variaient entre dix et vingt exemplaires… une misère ! La presse underground avait toujours droit à une place de choix dans un vieux carton dans l’arrière boutique, dans un recoin de la cave ou sous une pile d’autres magazines. Il fallait passer régulièrement secouer les vendeurs et exposer nous mêmes nos exemplaires en bonne place. La Mecque du Fanzine, c’était la librairie Parallèle, 47 rue Saint Honoré dans le premier arrondissement près du Trou des Halles. La librairie Actualités, 38 rue Dauphine dans le 6ème convenait mieux aux habitués du vieux Saint Germain des Prés. La Galère, 11 rue B. Palissy portait bien son nom et Tschann Librairie à Montparnasse était  plutôt réservée aux esthètes. Coté librairies gauchistes, on pouvait compter sur La Commune, 28 rue Geoffroy Saint Hilaire dans le cinquième à coté du resto U de la fac de Censier (PARIS III-Sorbonne nouvelle) près du Jardin des Plantes, et le Jargon Libre, 6 rue de la Reine Blanche dans le  treizième où se réunissaient Jean-Marc  Rouillan et le futur groupe Action Directe. On plaçait encore quelques exemplaires à La chasse au Snark, dans le haut du Boulevard Saint Michel en allant vers le CROUS et le RER Port-Royal et chez  Les joueurs de A, 9 rue des Lions dans le quatrième, une librairie sympa proche de notre imprimeur et c’était à peu près tout avec La Bouquinerie, 11 Rue Barrault dans le treizième qui éditait un journal de contre-info dans l’arrondissement, le canard du 13ème. Restait donc la vente dans la rue, un exercice hautement décapant, d’autant plus que les recettes étaient aussitôt dilapidées dans les troquets de la Mouffe en boissons euphorisantes.

- T’as vu Bleck ces derniers temps ? reprit Achille.

- Pas depuis notre retour d’Islande. Putain, quel déluge ! Sous la pluie, en auto-stop, avec une tente canadienne même pas imperméable, on s’est fait les champs de lave, le Vatnajökull et en plein milieu vlà la route qui s’effondre… le magma, le chaos… Impossible de passer… obligé de faire marche arrière direction les fjords d’Isafjordur et Akureyri à bouffer du pain noir et de la morue séchée, l’enfer…L’été, y’a à peine deux-trois heures de nuit, t’es complètement déconnecté ,tu flashes aurore boréale, lune mescaline, tu peux plus pioncer et ça caille… trop dur ,mec, l’année prochaine on file plein sud direction la Crête !

- Merde, vlà les deux charclots ! s’étrangla Aspic.

- Qui ça ?

- Pato et Ric !

- T’es sur ?

- ouais… Ils longent la petite boutique losange dans le recoin du Bateau Ivre,  passent devant chez Martial et se pointent vers nous.

- Tu  sais que la piaule de Martial, c’est la piaule de Verlaine, c’est là qu’il habitait le maître de l’absinthe. C’est là qu’on a franchi les portes de l’Orient avant de se retrouver à Istamboul en 1969.

- Je sais, je sais… dix fois que tu m’la racontes celle là…

- Deux nouveaux ? questionna Achille.

- ouais, des pointures, ils étaient nés pour nous rejoindre.

- des pointures.. ! s’étrangla Aspic. Putain de Cobra, il débauche tous les malades de la planète !

- Ric bosse dans une agence de pub. On l’a contacté par les petites annonces d’Actuel, un vrai fêlé. Il a un aquarium de piranhas et fait macérer son herbe dans du Gin.. Il fabrique aussi des marionnettes en papier mâché. Tu verras ces dessins dans le prochain numéro. Quant à Pato, dessinateur industriel en intérim mais authentique baba  c’est sans conteste les cheveux les plus longs du 14 ème arrondissement !

 - Amène toi, Cobra, Ils passent devant le Requin Chagrin et se dirigent vers La Chope ou l’Irlandais ?

- Ce coup là, j’y vais, yassas…

- Salut, à la prochaine…

 

 

Rémy, le dessinateur occitan a débarqué un jour à Paris. Il nous a filé  six pages sublimes dont la couverture du numéro 2 et une bd de 4 pages, Jule Cube, prince de l’aérodrame merveille, sa meilleure production sans doute. Quand je revenais de Grèce où je passais l’été à dériver d’îles en îles, je m’arrêtais  toujours quelques jours chez lui à Cuers pour bâtir d’extravagants scénarii : la Ballade d’Oiseau Somnambule, Histoire d’Oc pour A Comme et l’album ParanoPolis jusqu’au clash des années 80 où chacun a tracé sa déroute en solitaire. Extrêmement prolifique, Rémy fut le dessinateur le plus publié dans l’underground français ; il a essaimé gratuitement dans tous les fanzines des Seventies : le Citron Hallucinogène, Quetton, l’Estrassa, Notung, Starscrewer, Beuark, le Rictus Occitan… Il habitait Rue de la Liberté, était sculpteur-ébéniste et si je ne m’abuse il y vit toujours…

  

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La lumière jaune-pisse des phares dansent sur les vitres des voitures en stationnement. Taches de ketchup, foudre chimique, lasers glauques, néons puants, une symphonie moutarde pour zonards déglingués… trois corps gisent sur la place, crasseux, hirsutes, bouffis par la vinasse et le froid :

- t’as pas cent balles ?

Ric les salue d’un doigt d’honneur, Umberto lui emboîte le pas ; ils s’engouffrent dans les Cinq Billards. ( aujourd’hui une crêperie )

- Tu les vois ? fait Aspic en arrivant à la hauteur du Requin chagrin, le pub réunionnais.

-  Non. Ils sont sûrement à l’annexe, allons-y !

1966…Le batteur Jacques Thollot syncopait les vapeurs créoles en cymbales-jazz-quartet avant que le Ti’Punch vaudou ne frémissent Rock’N’Blues sous la distorsion et l’écho des Primitiv’s (ossature du futur Ame Son ) sur invitation perso du fils de la patronne, lycéen comme nous à Rodin. Ephémère passage sous les voûtes de cette cave des hits des Kinks, Stones, Beatles, Who et autres Pretty Things… Le squale en frémit encore.

- Tiens, vlà Errol Flynn ! fis-je à Aspic, désignant une silhouette familière quoique énigmatique. Il ne lui manque que la plume et les collants verts et on le recycle aux eaux et forêts dans un remake de Robin des Bois…

- Ecrase. T’es trop con. Il est super cool ,ce mec !

Chapeau à la Hendrix, barbichette de mousquetaire, gri-gri africain autour du cou, le personnage en question tire sur un minuscule joint à l’américaine, pavoisant à l’entrée du bougnat. Les auvergnats de Paris tenaient encore les troquets de la Mouffe cumulant une clientèle de vieux clients et de marginaux.

- Salut les Snakes, ça vous dit une petite taffe ?

- Toujours à l’herbe ,mec ? fit Aspic en tirant sur le stick.

- Rien que de la MariJuana mexicaine, de la bonne, pure et rien d’autre.

Ce mec m’intriguait. On le croisait à la Contre Escarpe, on le saluait, on échangeait trois mots, une adresse de concert. On lui avait filé gratos notre revue mais on savait rien de lui, il faisait partie de la faune, du paysage ; comédien, indic, dealer, flic en civil, étudiant… mystère ? Aspic le surnommait Le Californien, pour moi c’était Errol Flyn. J’aspire une bouffée puis je rentre à l’intérieur des Cinq B. Umberto et Ric sont à l’autre bout du comptoir devant un Kir et une Leffe pression. Ivoires et carmins, les boules glissent sur le tapis vert des billards, plus haut, plus loin, sous une lumière torve.

Se faufiler le long du vieux zinc parmi les soiffards, … Tango-houblon… Flux d’ébène, reflux d’écume rousse… à contre courant. Le décadent de service avale ses amphés dans une tasse de thé bouillant. Coups de coude, ballons de rouge… Elle est là, assisse avec un mec au look Thin Lizzy ; toute proche, à 250 centimètres. Il fait danser la flamme de son briquet. La nicotine, jaune sur ses doigts, décore une peau boucanée. La ligne de vie s’arrête nette au milieu de la paume de la main. Arcane majeure, chiffre treize.

Des mots éclatent venus d’ailleurs.

- Je veux aller au fond des gens !

- Arracher leur masque ? Foutaise…

Elle dépose méticuleusement la cendre de sa Camel sur le rebord de sa tasse à café ; ses bagouses scintillent dérisoires. Les cernes de l’ivresse… Elle me regarde un très court instant pour me dire qu’elle m’a vu puis détourne le regard aussi sec pour murmurer quelque chose à l’oreille de son compagnon. Sad-eyes lady of the Lowlands… should I wait ? Je dois me tromper de long métrage…

Pato et Ric me propulsent vers la sortie. La rue nous aspire de nouveau. Des figurines de mode draguent sur le pas des tavernes grecques. Des notes vrombissent dans un escalier tortueux, sur une K7mono, un succès des Stones… it’s only Rock & Roll and… we like it ! Vagues reflets dans le rétroviseur d’une traction blanche sortie d’un téléfilm ; Aspic et Le Californien visitent Guadalupe sur Mexican Air Line.

1968… Jérome Savary et la fanfare du Grand Magic Circus faisaient danser les animaux tristes de la Contre à l’angle de l’Irlandais. La nostalgie est un poison…

Ric siffle Aspic. Nous amorçons la descente brandissant nos journaux.

- Lisez, diffussez la Presse Libre !

Quatre desperados bloquent la chaussée. Je me lâche :

- hey !  les gueux en guenilles, les bègues en béquilles, les mendiants du cosmos. Pour sortir de la réalité, de la déception, il y a l’illusion, les manipulations, le miroir aux alouettes, la prestidigitation, la colossale caleçonnade des médias, la résolution spectrale des petits écrans bleus, l’intox de la pub mais surtout le fameux, le magnifique, l’indispensable Tréponème Bleu Pâle, le plus grand des petits journaux. !!!  Pour vous, ce soir, deux numéros cinq francs seulement !

Suite à cette envolée, nous récoltons quelques pièces. Cabot, j’en rajoute.

- La révolution sera une fête ou ne sera pas !

- ouais, ça va être ta fête, si tu ne la ferme pas, pauvre con.. !  réplique un quidam en verve.

- bingo ! s’esclaffe Ric.  Match nul.

-        vraiment nul. Conclut Aspic.

 

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J’aime bien sentir des pavés sous mes boots. La rue Mouffetard est une des dernières ruelles qui a résisté au goudron et peut offrir ce genre de sensations. Nous voilà devant le 23, chez Felix

Flash-back… 1967. Depuis qu’Aufray avait adapté Dylan par Delanoë interposé, la scène Folk explosait à son tour. Graeme Allwright débutait à la contre escarpe et les amateurs de Bluegrass ferraillaient sec à l’église de  Saint Germain des Prés  ou lors de mémorables Hootnanies au Centre Américain, boulevard Raspail. Y firent leurs premières armes Gabriel Yacoub de Malicorne, Jean-Jacques Milteau et Eric Kristy de Connection et Vincent Absil, leader d’Imago ; ces trois derniers, je les avais connus dans la cour de récré de l’établissement dans un endroit particulièrement réservé aux élèves fumeurs. Tous s’y  retrouvèrent d’ailleurs, plus tard en 1969 alors que vice président de l’association des anciens élèves du bahut, j’organisais avec mon amie Nathalie K. la frangine d’Eric, deux concerts salle Gérard Philippe ; l’un Rock Psyké avec Ame Son juste avant leur passage au festival d’Amougies, l’autre folk-blues avec tous les hobos du protest song acoustique, violoneux cajun, mandoline rag et accordéon diatonique.

- Victime d’une angine, Chris est incapable de se produire en public. nous annonce le barman.

La cave est vide. On se regarde piteusement avec Mods et Sapin. Mods après le banjo new-orléans et la guitare électrique yardbirdesque a quitté les Primitiv’s au sortir de trois mois d’animation au Club olympique à Calvi en Corse. Il compose désormais à la douze cordes dans la lignée de Donovan et expérimente d’étranges mélodies byzantines que j’accompagne aux bongos. Sapin est un disciple de John Renbourn et se délecte de musique élisabéthaine. Je participe de mon coté à un goupe de Jug Band tendance Dada, un trio dans la lignée de Jim Kweskin avec kazoo, harmonica, washboard, guitares, lessiveuse, tambourin, et tout un arsenal barbare et burlesque. On insiste et miracle, l’ancien chanteur yéyé, le Long Chris des Daltons, groupe rival des Chaussettes Noires, apparaît. On se toise. L’ami et parolier d’Halliday s’excuse ; il est grippé, malade, plus de voix.

-  Vous faîtes un groupe, les gars ,vous jouez quoi ?

- Woody Guthrie, Missississippi John Hurt, Pete Seegers, Ferré Grignard et bien sur Dylan et Donovan. On est venu pour ton disque chansons bizarres pour gens étranges. On l’adore ton putain de 33 tours, mieux qu’Antoine, mieux qu’Hughes Aufray, vraiment dément.

Il offre une tournée de mousses, prend sa gratte et nous offre un récital privé accompagné de son soliste. Il chante l’écologie, l’autoroute dévore le vert des campagnes, la défonce, Haschisch, tu danses dans mon cerveau ,Dylan, She belongs to me, en une version grandiose au phrasé poétique. On le congratule, il disparaît aphone sous nos applaudissements…

- Désolé, je ferme ,grommelle le barman.

 

 

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Bruits de klaxons . Nous approchons de la Rue du Pot de fer. Charles et Olivier Martigne, notre dernière recrue, se tiennent à l’angle d’une petite boutique indienne Ganesh Shop proposant encens, bijoux, sandalettes,  légèrement en retrait du carrefour. Olivier est originaire de Bordeaux et passe une année à Paris dans une école privée de dessin d’art. On l’a rencontré ici même il y a trois semaines. C’est pas vraiment un baba mais il dégage de bonnes vibrations. Il a été séduit par la bande et préfère de loin la compagnie du Blafard, élément fédérateur par excellence. Il termine un souvlaki pita richement pimenté.

- Refusez le babil de la presse purée, presse pourrie, lisez le Tréponème, branchez vous sur l’underground parisien. 3 francs le numéro !

Pas de doute, il a déjà tout pigé…

Deux bouledogues aboient à la mort enfermés dans une 4 L crème brûlée.

 

 

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